Retour vers le nord direction Karak, nous prenons bien sûr un bus local. Le système des bus est vraiment très intéressant car il n’est pas cher, environ 5jod pour environ 4heures de route mais il faut avoir le temps car les bus n’ont pas vraiment d’horaire, ils démarrent quand ils sont remplis et font des arrêts plus ou moins à la demande à l’approche des grandes villes. Nous remontons donc la Route du Roi, nous entrevoyons la Mer Morte avant de bifurquer et de partir à l’assaut des routes dans les collines, une succession de zigzags et d’épingles serrées mais la vue est spectaculaire. A l’approche de Karak, le château domine, construit à l’extrémité d’une colline et en forme de triangle il s’élève à 900m au dessus du niveau de la mer. Cependant, nous nous rendrons compte après l’avoir visité que sa situation est plus imposante et impressionnante que l’architecture et les ruines. Nous avons trouvé un hôtel juste à côté du château (Tower Castle), à peu de chose près le seul de la ville, il y a de nombreux cars de touristes mais ceux ci ne restent pas, ce n’est qu’une étape de quelques heures. De notre chambre, la vue sur la vallée est encore une fois impressionnante et nous fait également profiter du coucher du soleil. Nous profitons de la situation de Karak pour enfin aller voir la Mer Morte. Pas au nord avec les grands hôtels et les plages publiques aménagées car on nous confirme à plusieurs reprises que la mer est accessible en bus depuis Karak. Nous descendons donc puis nous faisons du ‘van sharing’ afin de s’approcher un peu plus des rives. On nous dépose à environ 500m. Le paysage est fantastique, les collines rougeâtres du Wadi à droite, les coupes dans les croutes de sel à gauche, on est seul, il n’y a pas un bruit. Nous marchons jusqu’à la rive avec précaution, on nous a prévenu que les sables peuvent être mouvants à certains endroits. Juste avant l’eau, la boue rougeâtre est un peu chaude mais on est assez vite au contact de l’eau. D’abord sur la fameuse boue qui fait la renommée de la mer, aux nombreuses vertus, ensuite le sol devient plus dur et c’est nettement plus facile d’avancer. Et puis bien sur, on fait la planche, une première pour certain, même si on savait à quoi s’attendre vu la densité en sel, la sensation est surprenante, impossible de s’asseoir dans le fond on est irrésistiblement attiré vers la surface. Il s’agit surtout de ne pas prendre d’eau dans les yeux car il est impossible de se les essuyer. On vit un pur moment de sérénité, on flotte, dans un paysage qui semble irréel et il n’y a pas un bruit. Mais ce moment de détente va bientôt virer au cauchemar. En sortant, la boue rougeâtre s’est transformée en quelque chose ressemblant à de la lave en fusion. Les pieds s’enfoncent jusqu’aux chevilles et la boue ralentit la progression. Si on accélère, la petite impulsion augmente la sensation de chaleur et on sent que sous la boue il y a de la rocaille. La douleur est intense, insupportable, la blessure sur le corail n’est rien en comparaison. C’est intenable, affreux, sur le rivage plus stable les pieds sont brulés et en sang, le cœur s’emballe car le choc thermique a été terrible (on notera une nette différence entre la résistance des filles et des garçons en ce qui concerne la plante des pieds !), l’hystérie due à la douleur gagne, la tète tourne, la syncope est proche et l’ombre est à 500m avec l’impression qu’on y arrivera pas, on est déshydraté et le soleil cogne. Enfin arrivés sous quelques arbres on soigne ses blessures, on recommence à respirer normalement, on se demande comment cela a pu arriver, les minutes qui ont parut des heures étaient horribles. Il faut maintenant regagner la route qui est loin sans le mini van pour le chemin en sens inverse. A chaque point d’ombre on marque l’arrêt, on est bien déshydraté et l’eau que nous avions nous a servi à se rincer et laver les plaies. On comprend évidement tout l’intérêt des plages aménagées et payantes du nord. A mi-chemin avec la route, un fermier bédouin vient à notre rencontre, nous boirons avec lui et ses collègues un thé le temps de se reposer encore un peu. Cette pure gentillesse nous touche énormément et c’est à regret que nous refusons son invitation pour le lendemain car nous quittons la Jordanie. Nous arrivons enfin sur la route mais l’arrêt de bus est encore loin, nous avions roulé 10 minutes après notre descente. La soif et la fatigue se font sentir et la route n’en fini pas quand soudain, une grosse voiture s’arrête et un vieil homme en habit traditionnel nous propose de nous amener jusqu’à l’arrêt de bus, On ne va pas refuser une invitation pareille. Mais dans sa grande bonté il nous dépose à un arrêt, certes plus prêt de notre destination, sans magasins aux alentours pour pouvoir enfin acheter une bouteille d’eau. Combien de temps encore allons-nous devoir attendre avant de boire, nous n’avons aucune idée de l’heure de passage du prochain bus ?! Au moment ou, faisant le geste, on envisage l’option du stop, une voiture s’arrête de nouveau et nous amène à Karak. Notre avant-dernier jour en Jordanie aura été riche en émotions et pourtant le lendemain, nous prenons l’avions pour l’Inde avec de formidables souvenirs : des paysages, des sites, une gastronomie mais surtout un accueil et une gentillesse pure et sincère...